Tous les personnages se retrouvent devant lui. Le magicien donne la main de sa fille à Ferdinand, se reconcilie avec son frère et le roi, libére Ariel et Caliban et pardonne à tous. Au cours de l'ultime soirée sur l'île, Prospéro, en signe d'humilité, renonce à sa magie en détruisant son bâton et son livre de sort, avant de retrouver son duché. Face à une réalité invisible qui le dépasse, Prospéro achève son parcours spirituel plus libre, affranchi de l'illusion et des vanités du monde, désormais uniquement accessible à l'amour et la compassion. La morale de cette fable: si le pouvoir de la réalité semble précaire face à celui de l'illusion, celui de l'amour paraît supérieur. Jeremy s'envola pour le Canada en 1982 pour tenir le rôle de Prospero dans La Tempête tout en étant producteur et metteur en scène de la pièce avec la compagnie de théâtre expérimental "Toronto Workshop Productions". La vision brettienne de l'œuvre est très personnelle et fut malheureusement un échec cuisant. Jeremy réalisa que sa mise en scène de La Tempête n'était pas du tout adéquate.
Cela s'augura très mal après son échec cuisant au théâtre à Toronto et la sortie prévue d'une grande adaptation de La Tempête au cinéma avec John Cassavetes. Jeremy abandonna le projet et reconsidéra alors la proposition de la Granada. Il emporta avec lui en vacances à la Barbade toute l'œuvre de Conan Doyle, le Canon, qu'il relut avec enthousiasme. La Tempête et Prospero succombèrent au charme nouveau de Holmes. Fasciné par sa lecture et sa redécouverte du héros doylien, dont il sentait "qu'il pouvait en faire quelque chose", Jeremy accepta de l'incarner. The game is afoot! Le duc légitime de Milan, Prospero, après avoir été déchu par son frère Antonio pendant son absence, se retrouve exilé avec sa fille Miranda sur une île déserte. Cela fait douze ans qu'il vit à présent comme un puissant sorcier et maître de ce royaume enchanté et sauvage peuplé d'esprits surnaturels. Grâce à la magie de ses livres, il gouverne les éléments et les esprits, notamment Ariel, esprit positif de l'air et du souffle de vie, à son service depuis que Prospéro l'a sauvé, ainsi que Caliban, être négatif monstrueux symbole de la terre, la violence et la mort, qui hait son maître mais doit lui obéir.
On peut penser aussi à la pièce de Sophocle, Philoctète, dont la trame générale est identique: l'exil sur une île, le naufrage, le Prince déchu, la réconciliation. Résumé Acte I The Tempest La tempête qui se déchaîne dès la première scène de la pièce est une vengeance de l'ancien duc de Milan, Prospero, miraculeusement échoué dans une île magique douze ans auparavant avec sa fille Miranda, après avoir été exilé par son frère usurpateur, Antonio. L'île réunit les naufragés de la tempête, « trois hommes de péché », Alonso, le roi de Naples et son frère Sébastien, complices du cruel Antonio, ainsi que Ferdinand, le fils d'Alonso, et le fidèle Gonzalo. Tous sont dans cette île pour y découvrir la vérité. Même Miranda doit apprendre à distinguer le bien du mal: elle rejette Caliban, le fils monstrueux de la sorcière Sycorax, dont la nature ne lui permet pas de devenir un être civilisé; elle apprend à aimer Ferdinand, qui dans l'épreuve et le travail atteint la vérité. Acte II L'île est le lieu où se rejoue l'ancien drame de l'usurpation.
Pour citer cet article Référence papier François Laroque, « La Tempête: monde vert ou monde à l'envers? », Actes des congrès de la Société française Shakespeare, 13 | 1995, 95-105. Référence électronique François Laroque, « La Tempête: monde vert ou monde à l'envers? », Actes des congrès de la Société française Shakespeare [En ligne], 13 | 1995, mis en ligne le 01 janvier 2007, consulté le 25 mai 2022. URL:; DOI: Haut de page
Par contraste, tous les acteurs sont vêtus d'un costume noir, la cravate malmenée, pieds nus, mais une valise de cuir à la main. Ariel exerce son pouvoir sur tout ce groupe de rescapés, abasourdis. Dans cette mise en scène, pas de magie dans le rendu d'Ariel 6. L'acteur se tient sur le devant de la scène, en pleine lumière frontale, face à la salle, son costume blanc se détachant crûment dans l'espace scénique laissé dans la pénombre. Mais par un jeu d'ombres portées, sa silhouette est projetée sur le mur du fond, gigantesque, menaçante. Au gré des mouvements des bras de l'acteur, dont les ombres démultiplient les gestes, les rescapés du naufrage, roi et serviteurs, sont ballotés de droite et de gauche, coincés contre les murs de scène. On les sent à la merci de forces obscures qui les dépassent, leur imposant une nouvelle épreuve à laquelle ils sont obligés de se soumettre. C'est superbe, sobre et parfaitement efficace. 9 L'humour (de très mauvais goût) n'est pas de reste. Avec un bruit surprenant (est-ce le grondement de tonnerre indiqué en didascalie à l'acte II, scène 2?