Le patient découvre à son réveil l'absence de réimplantation et assigne le chirurgien. En première instance, le tribunal déboute le patient de ses demandes tendant à voir reconnaître une faute technique, mais alloue une indemnité de 3 000 € au titre d'un préjudice d'impréparation à l'absence de réimplantation des doigts. Le patient interjette appel. La cour d'appel confirme en tous points la décision de première instance. Pas de faute technique mais un défaut d'information au patient La cour d'appel, dans un arrêt du 23 mars 2021, confirme que les soins réalisés ont été conformes aux données de la science. Il était licite pour le chirurgien de renoncer à la réimplantation des doigts: en effet, le pourcentage d'échec de ce type de chirurgie est plus important lors de traumatismes avec attrition des tissus mous et sur des patients âgés de plus de 50 ans, ce qui était le cas en l'espèce. Cette analyse bénéfice/risque aurait été faite de la même manière par de nombreux centres chirurgicaux de la main.
En matière de défaut d'information médicale, on raisonne en « perte de chance » (exemple: le défaut d'information a eu des conséquences sur le choix d'une intervention chirurgicale qui a eu des séquelles lourdes pour le patient). Si l'information avait été délivrée, le patient aurait pu éviter de choisir cette opération. Il restera à quantifier le pourcentage de « chance » pour le patient de renoncer à l'opération si l'information lui avait été donnée. Mais ce préjudice peut être différent, et s'analyser sous la forme d'un préjudice dit « d'impréparation au risque survenu ». C'est le cas lorsque l'intervention chirurgicale devait (sans qu'aucun autre choix ne soit possible! ) être réalisée mais que le patient n'a pas eu le temps de se préparer aux éventuels risques, qui se sont malheureusement produits. Ce « poste » de préjudice vient finalement indemniser le traumatisme psychologique subi par un patient qui n'a pas ainsi pu se matérialiser tous les différents risques encourus et se préparer mentalement à ces possibilités.
Cette solution n'est qu'une application combinée du principe de réparation intégrale des préjudices sans perte ni profit pour la victime et des règles relatives à l'objet du litige énoncées aux articles 4 et 5 du Code de procédure civile (déjà en ce sens, Cass. civ., 1ère, 15 juin 2016, pourvoi n° 15-11. 339, inédit; cass. 1ère, 13 juillet 2016, pourvoi n°15-19054, inédit). Pour mémoire, " l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense (... ) " (article 4 du Code de procédure civile). " Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé " (article 5 du Code de procédure civile). Comme en toute matière, le juge doit se prononcer dans la limite des demandes dont il est saisi. Il ne peut statuer d'office. Si le préjudice moral d'impréparation " ne peut être laissé sans réparation " ou " doit être réparé " selon les expressions de la Cour de cassation c'est à la condition qu'une demande soit formulée à ce titre ( Ne pas oublier le préjudice moral d'impréparation!