En effet, selon ces deux sociologues « la conception de l'intérêt général ferait l'objet d'une lutte incessante pour sa définition légitime, mettant aux prises des élus qui considèrent que cet intérêt général reste cadré par les urnes, et qu'ils en sont donc les dépositaires naturels, aux fonctionnaires qui estiment, pour leur part, que l'intérêt général transcende les cycles électoraux ». Certes, ce conflit entre le pouvoir politique et le « pouvoir administratif » s'applique aussi sur la réalité tunisienne ou le conflit dépasse les limites de la conception légitime de l'intérêt général. En effet, ce conflit est d'autant plus délicat en Tunisie, notamment lorsqu'on prend le cas de l'administration régionale, longuement marquée par un embrouillement entre le pouvoir politique et le « pouvoir administratif » qui va jusqu'à la domination du politique sur l'administratif quant à la définition de la nature de l'intérêt à servir (l'intérêt général ou l'intérêt d'un groupe faisant, généralement, parti du pouvoir politique ou du moins proche de ce pouvoir), et là il n'y'a pas mieux que de citer l'exemple des « comités de coordination régionales du RCD » et leur poids dans les régions.
B. Le contrôle de l'Administration par le pouvoir politique Subordonnée juridiquement au pouvoir politique, l'administration est soumise à son contrôle qui est exercé tantôt directement par les élus, tantôt par l'intermédiaire de mécanismes d'institution dont l'activité permet d'assurer l'information des dirigeants. Le contrôle direct Le Parlement dispose de moyens nombreux et variés pour vérifier le bon fonctionnement de l'Administration. Il y a d'abord les moyens traditionnels: par l'exercice des compétences législatives des assemblées, ils ont un droit de regard sur le fonctionnement de l'Administration (adoption du budget de l'Etat, vote de la loi de règlement). [... ] [... ] L'immixtion grandissante de l'Administration dans la politique depuis la Vème République La Constitution de 1958: le renforcement du pouvoir réglementaire. A l'origine, le pouvoir réglementaire est un héritage de la Révolution et seul le législateur disposait de la liberté d'appréciation et de mise en œuvre d'une loi.
Quelles sont alors les mesures à prendre pour limiter ce genre des dépassements? Jusqu'a quand continuerons-nous à insister sur les règles de loyauté et d'obéissance du fonctionnaire à son supérieur hiérarchique, et à mésestimer l'obligation de servir et de protéger l'intérêt général? Comment protéger le fonctionnaire (et l'administration publique) d'un jeu organisationnel et d'une politisation fonctionnelle que l'oblige, dans plusieurs cas, à adhérer à des projets politicards? Si l'administration a en charge la bonne marche de l'Etat et si sa mission est de protéger l'intérêt général, quel rôle jouera t- elle dans la définition même de cet intérêt? Et quelles sont les conditions juridiques pour qu'elle échappe d'être un simple instrument d'exécution et un subordonné au pouvoir politique? La réponse à l'ensemble de ces interrogations est d'une importance irrécusable surtout que les études dont celles menées par Michel Crozier et Jean-Claude Thoenig ont fait état des relations conflictuelles entre la filière politique et la filière administrative en ce qui concerne la conception de l'intérêt général.
Ces situations génèrent le plus souvent des délits d'initié. II. ] Cependant, la démarche administrative est prioritairement pédagogique et accessoirement répressive. Tout compte fait, l'administration publique est l'incarnation physique de l'État, matérialisée par ses acteurs. Le remplacement quasi complet des administrations publiques lors d'une transition politique met à mal leur continuité et leur efficacité. Aussi longtemps que ces derniers seront impliqués dans la compétition électorale, le politique s'immiscera toujours à des degrés plus ou moins considérables dans le quotidien de la pratique administrative. Ainsi, il apparaît évident que l'administration publique est une institution sociale, mais une institution politiquement connotée. ] En plus, l'administration publique gère les relations internationales avec les autres États. Elle présente des caractéristiques essentielles: l'administration publique est une entité sociale spécifique du fait qu'elle dispose d'un principe d'action propre à elle, la répartition fonctionnelle définit sa structure hiérarchique pyramidale, introduit verticalement une gradation croissante de postes en fonction du statut, du rang, du pouvoir décisionnel et de la capacité de signature.
En effet, il existe trois versants de la fonction publique: la fonction publique d'État, la fonction publique territoriale (communes, départements, régions) et la fonction publique hospitalière. Les fonctionnaires travaillent au service de l'intérêt général et sont donc astreints à des règles strictes dans l'exercice de leurs fonctions. Par exemple, ils doivent respecter une parfaite neutralité, ont l'obligation d'obéir à leur hiérarchie, et ont interdiction de divulguer à l'extérieur du service des informations dont ils ont eu connaissance dans leurs fonctions (discrétion professionnelle).
Il va sans dire que ces pratiques demeurent toujours existantes et ne semblent pas faciles à changer, surtout que les règles juridiques et organisationnelles qui n'ont pas réussi, auparavant, à protéger l'indépendance et la neutralité de l'administration n'ont pas changé. Indubitablement, c'est aux fonctionnaires de l'Etat de changer cette réalité, car ils sont les seuls qui sont « professionnellement spécialisés dans les actions gouvernantes » et sont, donc, les plus aptes à assurer la mise en ordre voir la refondation de l'appareil administratif de l'Etat. Pour cette raison, l'administration Tunisienne est dans l'obligation de dépasser sa passivité et prendre l'initiative pour faire sa propre révolution. En effet, l'urgence de la reforme administrative, et l'importance de la révision de la législation et des règles régissant le fonctionnement de l'administration, découlent de l'idée selon laquelle la réussite de la Tunisie dans son passage d'un Etat policier à un Etat de droit, dépend de la réussite du passage d'une situation marquée par une totale subordination de l'administration au pouvoir politique, vers une subordination ou une soumission de l'administration au droit.